J’ai choisi de réaliser mon stage chez Infirmiers de rue afin de mieux comprendre les enjeux du sans-abrisme et tout ce que cela implique. J’y ai découvert des enjeux politiques, sociaux, financiers et structurels. Mais avant tout, je voulais comprendre les histoires des personnes sans-abri, comprendre comment elles en étaient arrivées là et en même temps décrypter le système dans lequel nous vivons.

Je me suis vite rendu compte que ce système est bien fait pour une majorité de personnes actives ou non.

Mais pour les personnes sans-abri, il s'agit en réalité d'un labyrinthe qui doit être emprunté pour réaliser de simples démarches administratives. Par exemple, pour refaire une carte d’identité perdue ou volée, il faut d’abord passer par le CPAS pour obtenir une adresse, puis faire des photos et retourner à la commune pour continuer les démarches. La personne sans-abri doit donc se rendre dans trois lieux différents.

Nous, qui sommes insérés dans la société, pouvons le faire en une journée, mais pour les personnes sans-abri, cela peut prendre des semaines pour plusieurs raisons :

- En rue la personne dort peu, elle est en hyper vigilance constante, elle éprouve donc des difficultés à se mobiliser tôt ou à une heure précise.

- Il faut trouver de quoi manger et se rendre dans un lieu prévu pour se doucher afin d'être présentable.

- Il y a parfois les problèmes de consommations, le manque, donc la personne doit aller chercher ce qu’il lui faut afin d’éviter d’être en souffrance. Leur seul moyen de locomotion, ce sont leurs pieds, qui sont également en souffrance même s'ils/elles ne sentent pas toujours la douleur, la gêne.

Tous ces objectifs représentent en réalité leurs besoins primaires et prennent beaucoup de temps sur une journée. Les tâches administratives sont donc souvent mises de côté car il s'agit de tâches fastidieuses qui prennent du temps, sont épuisantes, et lorsqu’on manque déjà d’énergie, il devient impossible de les effectuer.

L’image que j’avais des personnes sans-abri, c'était des personnes précarisées avec un parcours de vie difficile, des personnes faibles ou des personnes qui avaient tout simplement choisi d’être en rue.

Au fur et à mesure de mon stage mes croyances se sont déconstruites. Sur le terrain je me suis rendu compte que même si la personne sans-abri dit que c’est son choix d’être à la rue, ce n’est pas tout à fait exact. En rue, aucune intimité n’est possible, la rue casse la personne qui se détache d’elle-même, la personne n’a plus vraiment d’identité et est constamment stigmatisée.

La rue, la non compréhension des personnes autour, le manque de moyens, tout cela fait que la personne se donne une raison, qui est de l’avoir choisie, comme si c'était une chose sur laquelle ils/elles pouvaient avoir du contrôle.

 

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Toute personne, de tout milieu confondu, peut se retrouver un jour dans la rue. Cela peut toucher tout le monde.

De plus, je me rends compte qu'en ville beaucoup de lieux deviennent de plus en plus inaccessibles aux personnes sans-abri : parkings, bancs, parc, etc. Cela ne répond pas au problème de base.

De plus, cela devient compliqué de localiser les personnes qui avant se réfugiaient dans ces endroits. Je me pose souvent deux questions :

Que peut-on mettre en place, chacun a son échelle, pour éviter la marginalisation d’une personne ?

Et à quel moment la personne ou l’entourage doit être aidé pour éviter cette situation : en bas-âge, à l’enfance, l’adolescence, plus tard ? Et de quelle manière ?

J’espère, dans un futur proche, voir plus de public se mobiliser, ainsi que les pouvoirs publics, pour contribuer à la prévention, amplifier la disponibilité des logements, … ainsi que rendre disponibles pour chaque personne des soins en santé mentale à moindre frais.

Grâce à ce stage, j’ai pu travailler avec des valeurs plus humaines, rencontrer une équipe à l’écoute, super bienveillante, avec beaucoup de bagage.

Cela a modifié ma prise en charge, en tant qu’étudiante infirmière, et m’a beaucoup apporté autant personnellement que professionnellement. J’espère, une fois diplômée, pouvoir apporter cette oreille, cette écoute qui est un soin à part entière.

Vous voulez faire partie du changement ?

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(*) Nous mettons tout en œuvre pour respecter la vie privée de nos patients et notre secret professionnel. Nous voulons néanmoins témoigner de la façon dont ils doivent survivre et de la manière dont nous travaillons ensemble à leur réinsertion. Par conséquent, le nom des lieux et des personnes sont volontairement omis ou modifiés et des situations vécues sont placées dans un autre contexte. Il n’y a pas de lien direct entre les photos et les histoires ci-dessus.